Camille Girard
& Paul Brunet

30.11.2020

24 rue Mme de Pompéry / un panorama, 2012

Série de 16 dessins encre de chine sur papier 90 x 120 cm
Exposition à la Salle des Fêtes de Douarnenez, sur une invitation de Bruno Peinado.
Photo : Bruno Peinado

24 rue Madame de Pompéry / un panorama

Lorsqu’en 1937 Daniel Le Flanchec, le maire de Douarnenez fait appel à Robert-Paulo Villard pour peindre le paysage de la célèbre baie en 16 tableaux, il ne se doute certainement pas que ces toiles seront un jour classées Monuments Historiques.
C’est dans cette salle des fêtes, chargée de mémoire et d’enjeux que j’ai désiré proposer à Camille Girard et Paul Brunet d’intervenir pour une exposition en vis à vis. Moins pour mettre en avant les qualités patrimoniales de ce site que pour engager un dialogue et rendre actifs les enjeux d’un questionnement face à ce qui nous entoure et à cette notion d’un panorama. Le monde et la baie de Douarnenez ont certes un peu changé depuis 1937 mais certainement moins que nos rapports à la culture et ce qui fonde nos paysages culturels.
Alors que Robert-Paulo Villard représentait la baie et la ville avec son père et quatre amis, Camille Girard et Paul Brunet nous proposent aujourd’hui un voyage depuis leur intimité au 24 rue Madame de Pompéry.
Une adresse qui leur sert à la fois de maison, d’atelier, de studio son, de bibliothèque, de jardin, de discothèque, d’interface et de refuge. Adresse où les notions de représentations et de fenêtre sur le monde sont habilement intriquées. Rentrent ici les images et les rumeurs du monde, elles s’y sédimentent, elles y font leurs nids, et c’est par autant de signaux d’aquarelles habilement exécutées pendant de longues journées qu’elles nous sont renvoyées. L’un des axes travaillé par cette rencontre entre des jeunes gens facétieux de 2012 à l’exubérance sobre, et des peintres talentueux de 1937 investis d’une mission de témoignage, est d’établir un dialogue entre ces deux temps de représentations du monde, leurs relations, leurs codes et leurs enjeux, les univers qu’ils mettent en place, comme autant de rapports au monde.
Camille Girard et Paul Brunet saisissent à quatre mains les échos du monde par une pratique assidue du dessin. Un dessin, à la manière des plus grands mangakas, nourri d’attentions à ce que nous avons sous les yeux de plus simple ou de plus trivial, un chat qui vous fixe, une collection de jouets, un jardin sous la neige. Mais ils sont tout aussi attentifs à ce qui nourri notre regard, les livres lus, les oeuvres digérées, les films à revoir ou à découvrir. Soit un paysage culturel à l’image de ceux qui font parler la nuit et tiennent alerte le jour.
Une poétique mettant en relations l’ailleurs et la distance à ce qui engage les proximités. Aussi depuis leur vigie au 24 rue Madame de Pompéry, Camille Girard et Paul Brunet, nous parlent du monde qu’ils ont sous les yeux et des mondes qu’ils désirent, et cela le plus simplement possible, c’est à dire avec la plus grande complexité qu’ils savent nous rendre évidente.

À deux doigts ou à trois pieds, à quatre coudes ou à deux nez, avec le pouce ou leurs dentiers, Camille Girard et Paul Brunet dessinent.

Sur un tatamis ou sur un tas de bois, sur leur tabagie ou leur gueule de bois, Camille Girard et Paul Brunet dessinent.

Qu’il fasse beau en hiver, froid en été, humide au printemps ou sec en automne, Camille Girard et Paul Brunet dessinent.

En fumant des cigarettes, en mangeant des tartelettes, en jardinant ou en bougeant la tête, Camille Girard et Paul Brunet dessinent.

Avec le sexe, avec les pieds, avec les seins, avec le nez, avec leurs cils ou leurs nombrils, Camille Girard et Paul Brunet dessinent.

Sur Vivaldi ou sur Fu Manchu, sur Ramstein ou sur Jad Fair, sur Daniel Johnston ou Barzotti, Camille Girard et Paul Brunet dessinent.

De haut en bas et de bas en haut, de droite à gauche ou de gauche à droite, à l’endroit ou à l’envers, Camille Girard et Paul Brunet dessinent

A 16h 00 ou à 22h00, à 1h57 ou à 7h13, à 12h15 ou à 5h36, à 10h12 ou à 23h32, Camille Girard et Paul Brunet dessinent.

Avec leur ego ou des playmobils, des air max ou des miettes de twix, des têtes de mort ou des kinder surprises, des chaussettes péruviennnes ou bien juste des fleurs, Camille Girard et Paul Brunet dessinent.

Par temps gris ou pour le jeu, par envie ou pour des vieux, pour des amis ou sur des pneus, Camille Girard et Paul Brunet dessinent.

Comme des pompiers ou des boulangers, des pompistes ou des infirmiers, des secrétaires ou des policiers, Camille Girard et Paul Brunet dessinent.


Textes de Bruno Peinado